Janvier 1991, rentrée des classes. Dehors il pleuvait, il faisait froid. Constantin nous avait emmené visiter sa classe.
En Roumanie, les écoles portaient des numéros et non pas des noms de littérateurs ou de personnages historiques.

Dans les années 80, fréquenter les étrangers de passage, occidentaux de surcroît était déconseillé. Disons que c’était plutôt réservé à quelques fonctionnaires… 

Ces enfants étaient intrigués, excités comme des puces. La plupart étudiaient le français. Nous avions fait sensation. C’était probablement la première fois qu’ils avaient l’occasion de pratiquer cette langue avec un francophone.

Le français était largement étudié en Roumanie. La proximité
linguistique était favorable. Le pays entretenait des liens privilégiés
avec la France. C’est en effet auprès des intellectuels français, au
XIXe siècle, que la Roumanie trouva l’inspiration et le soutien qui
conduisirent à son unification et à son indépendance.

La Roumanie était reconnaissante de l’aide qu’avait pu apporter la
France à la suite de la révolution de décembre. Mais les besoins des
Roumains ne se limitaient pas à quelques ouvrages littéraires du XIXe
siècle, aussi universels soient-ils.

Les Roumains voulaient aussi voyager à l’étranger. Les professeurs
voulaient voir ce pays dont ils avaient fait l’éloge à leurs élèves.
Malheureusement pour eux, il n’y avait pas de traitement de faveur. Il
leur fallait comme tout autre acquérir une invitation, débourser le prix
du visa et faire la queue des heures interminables à l’ambassade. Un
parcours que beaucoup jugeront humiliant.

Dans les années qui suivirent, des pays comme l’Italie, l’Allemagne
ou l’Angleterre apportaient des perspectives matérielles plus
intéressantes que ne le faisait la France.
La langue française perdit de son aura au bénéfice d’autres langues, tout en conservant sa réputations d’idiome élitiste.

Dans cette classe, les élèves les plus brillantes étaient tsiganes. Leurs parents vivaient de petits boulots.
Le gosse dissipé, au fond de la salle à côté du radiateur, était le fils d’un officier de police local.
Qui saurait nous dire aujourd’hui, parmi eux, lesquels ont eu les opportunités pour réussir dans la vie ?

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