J’avais croisé ces deux jeunes appelés dans le train qui me conduisait Slobozia à Constanţa. Nous étions dans le même compartiment. Je ne parlais pas encore roumain, mais il me restait des rudiments de latin du collège. Nous avions pu un peu nous comprendre.
Les trains roumains étaient de véritables tortillards qui portaient des noms évocateurs : personal, rapid, accelarat…
Arriver à destination n’était pas un problème. Il fallait être patient. La configuration, compartimentée, des wagons favorisait les relations sociales et contribuait à faire passer le temps.
En 1990, l’armée était présente et visible partout en Roumanie et le service militaire une règle.
Une armée d’Etat est avant tout destinée à défendre le pays des agressions extérieures. Mais pour un dictateur paranoïaque, l’ennemi était surtout à l’intérieur.
Aussi, le régime méfiant à l’égard d’une institution organisée et armée, avait organisé son propre système de défense : la sinistre Securitate. Une police politique dont les pouvoirs étaient énormes et qui a préservé ses privilèges et son influence de longues années après la « Révolution roumaine ».
Et cette armée ? Elle servait souvent de main-d’œuvre d’appoint pour ramasser les patates, remonter des digues effondrée et pour suppléer aux inconséquences des bureaucrates planificateurs.