Dans cette lumière d’un matin d’hiver bucarestois, l’église Mihai Vodă semble comme neuve au milieu de ces immeubles délabrés.
J’étais monté au dernier étage d’un de ces blocs résidentiels en construction dans le quartier des ministères. S’il n’y avait ces grues au fond, les immeubles éventrés laisseraient penser que la ville venait de subir des bombardements. Mais pire que la folie guerrière, il y eut la folie des despotes mégalomanes et paranoïaques.
Cette église appartenait à un vaste complexe, le monastère Mihai Vodă, l’une des plus anciennes constructions de Bucarest, fin du XVIe siècle. Le monastère fut remanié et changea plusieurs fois d’affectation au cours de l’Histoire. Il fut résidence princière, hôpital militaire, école de médecine avant d’abriter les archives de l’Etat.
La ville avait beaucoup souffert du tremblement de terre de 1977. Le régime communiste s’en servit comme prétexte pour « rationaliser » à sa manière l’urbanisme de la capitale. Une grande partie du centre historique, « relique du passé aristocratique et bourgeois », fut promis à la destruction.
De nombreux monuments historiques, fragilisées et vétustes, des quartiers résidentiels entiers furent rasés pour laisser place à des immeubles immenses et pompeux. Mais pas seulement… une zone qui avait très bien résisté au tremblement de terre, la colline de l’Arsenal, fut elle aussi arasée pour permettre la construction du célèbre Palais de la République.
Situé à proximité, le monastère Mihai Vodă subit le même sort. Sa destruction fut décidée en 1985. Cependant, l’église et le porche d’entrée, surmonté, d’un clocher, échappèrent au saccage sous la pression d’intellectuels et d’institutions. A grand frais, les deux bâtiments furent posés sur des rails pour être déplacés sur une distance de 289 mètres, là où ils se trouvent actuellement.
Bucarest, décembre 1990.
Pour aller plus loin...
La translation de l’église Mihai Vodă sur le site de l’agence Agerpres.
Bucurestiul disparut, de Georghe Leahu, Editura Arta Grafică , 1995.