En décembre 1989, la révolution roumaine n’a pas commencé à Bucarest, mais à Timişoara. Les villes de l’Ouest étaient plus perméables aux information provenant d’ailleurs, notamment grâce aux radios yougoslaves.
En revanche, c’est bien à Bucarest, la capitale, qu’elle eut son dénouement. Révolution… je crois que dès le printemps le terme « évènements » était déjà dans les esprits.
La chute de la dictature avait fait naître de formidables espoirs au sein d’une population opprimée et humiliée. De nombreux intellectuels et dissidents avaient pu reprendre la parole. Mais très vite le doute s’était installé dans la population au sujet de ceux qui avaient effectivement pris le pouvoir et fait exécuter les époux Ceauşescu.
Cette révolution apparaissait de plus en plus comme un formidable coup d’Etat, déguisé et préparé de longue date par des membres du Parti communiste roumain. Comme si la victoire avait été baillonnée.
En ce printemps 1990, les Roumains se déconfinaient, investissaient les terrasses et les parcs pour respirer la liberté retrouvée. Place de l’Université, épicentre de la contestation, on continuait à manifester, contre le nouveau pouvoir et ses mensonges.
La place de l’Université était une agora, où l’on prenait la parole, où l’on discutait, où l’on s’invectivait, et où on pouvait certainement refaire le monde. On y honorait aussi les morts, on y faisait commerce, de cierges et de titres de presse ressuscités.
Aller sur cette place était un passage obligé pour un voyageur qui pensait vivre l’Histoire en direct. Notre naïveté d’occidental gauchiste en prenait aussi un sacré coup.
Nous n’étions que simples spectateurs fascinés.